Les réseaux de soins chahutés par les professionnels et politiciens

Écartelés entre contraintes financières et démarche qualité, les professionnels de santé et les politiques se battent pour l’amélioration du système de santé, sans pour autant être dans le même camp.

Mais ils se battent aussi contre les dérives consécutives à certains systèmes financiers qui régissent aujourd’hui la santé

Le combat d’un syndicat dentaire

C’est la rentrée pour Santéclair, organisme spécialisé dans la création de réseaux de soins.

La société vient de lancer deux appels d’offres : l’un auprès des structures de chirurgie orthopédique et l’autre auprès des dentistes.

Elle espère regrouper des professionnels de santé pour permettre de diminuer le coût de certains soins dentaires et donc, pour diminuer le coût des mutuelles.

Si Santéclair parvient à maintenir le cap malgré la virulence de certains de ces opposants, elle réaliserait le rêve de certaines mutuelles qui souhaitent atteindre les meilleurs classements des comparatifs mutuelles dentaires.

Seulement, ces projets ne sont pas pour plaire à tout le monde, et encore moins au syndicat dentaire UJCD, qui déclare sans prendre de pincettes : « les activités et pratiques de la société Santéclair ne sont pas licites ».

Depuis 2011, les réseaux de soins sont légiférés, suite à l’adoption de la loi Fourcade. Cela fait 4 ans maintenant que les réseaux de soins progressent ça et là, toutes spécialités médicales confondues.

L’objectif ? Permettre un accès à des soins de qualité, à moindre coût.

Et visiblement, ça marche. Grâce à ce concept, les mutuelles peuvent casser les prix, grâce aux professionnels de santé qui rejoignent le groupe en acceptant de baisser leurs tarifs. Et là, ça coince.

Certes, le commun des mortels n’a rien contre le fait de baisser le coût des soins dentaires, surtout si leur qualité est préservée. Mais est-ce vraiment possible avec ce concept de réseaux de soins ?

Qu’en est-il de l’indépendance des professionnels de santé ? Ne deviennent-ils pas tout simplement dépendants des mutuelles qui leur envoient leurs adhérents ?

Les dentistes, puisque c’est d’eux qu’il s’agit dans l’affaire Santéclair, ne risquent-ils pas de soigner une certaine catégorie de patients uniquement, au détriment des autres ? Les bénéficiaires de la CMU auront-ils droit quant à eux à un dentiste « spécial CMU » ?

Tandis que certains politiciens mettent en avant le fait que les réseaux de santé relancent bel et bien la compétitivité en cassant une tendance à la perpétuelle hausse des prix, d’autres y voient un parcours de santé à 2 vitesses.

Les réseaux de soins permettent effectivement de réduire considérablement les prix. SantéClair déclarait voir son portefeuille diminuer de 40% depuis la mise en place du réseau de soins !

Mais en « contrepartie » de cette baisse colossale des tarifs, ne faut-il pas craindre que les adhérents n’aillent voir un professionnel de santé « que » parce qu’il est dans leur budget ? Cela ne risque-t-il pas d’engendrer des pratiques douteuses ? Oui, le concept du réseau de soins pose de multiples questions, à la fois médicales, humaines et sociales.

Ce 1er octobre, c’était la rentrée de Santéclair avec son nouvel appel à projet, adressé aux dentistes.

Pas de chance, le même jour, une proposition de loi déposée par le député Daniel FASQUELLE exigeait l’interdiction des réseaux de soins !

Le politicien, tout comme le président de l’UJCD Philippe Denoyelle, affirme que son combat n’est pas mené uniquement contre les réseaux soins dentaires mais contre tous ces réseaux de soins qu’ils considèrent comme dangereux.

Selon le député, ces groupes n’ont jamais prouvé leur bénéfice pour l’accès aux soins et risquent au contraire d’instaurer une santé à 2 vitesses.

Y a-t-il des spécialités médicales ayant plus tendance que d’autres à rejoindre les réseaux de soins ? Toujours est-il que l’univers dentaire est forcément intéressant pour les réseaux de soins : la pose de prothèses dentaires ou de couronnes coûte cher.

Les patients cherchent une garantie soins dentaires qui leur offrira le meilleur remboursement, les praticiens tentent de pratiquer des tarifs justes pour conserver une rentabilité : de part et d’autre, la tentation est grande de rejoindre un réseau de soins !

Les mutuelles dentaires pour retraités se sentent concernées par le sujet, sans doute. Mais l’univers médical dentaire n’est pas pointé du doit plus que d’autres spécialités médicales : pour certains syndicats et politiciens, tous les réseaux de soins vont dans le mauvais sens.

L’indépendance des professionnels de santé, le libre choix du praticien ou de la structure de soins : tout est mis à l’épreuve. Si l’on entend les syndicats et politiciens s’exclamer face aux risques, les patients restent quant à eux, plutôt silencieux.